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  • : Mon Univers : littérature, sciences et histoire se côtoient avec une pointe d'humour et de musique dans une chaude ambiance de feu agrémentée de photos, de dessins, de nouvelles et de citations.
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18 juillet 2020 6 18 /07 /juillet /2020 12:00

Depuis le mois de janvier 2019, j'ai acquis un nouveau style. Au cours de ma "carrière" de dessinatrice, j'ai cumulé plusieurs styles, passant de l'un à l'autre, expérimenant de nouvelles choses qui ne se ressemblent pas les unes les autres, si bien qu'on peut dire que je n'ai pas vraiment de style.

Cependant, cela fait un peu plus d'un an que je dessine des choses qui se ressemblent. J'ai des idées en tête, celles-ci sont dans un style graphique assez proche, mais avec des thématiques différentes de ce que vous allez voir en-dessous. J'espère en tout cas que ce style restera fixe car je suis assez fière de ce que j'ai accompli durant cette période. Je pense que ce style va coexister avec celui d'un article précédent.

Médusa

 

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27 juin 2019 4 27 /06 /juin /2019 13:24
Titanic : Une analyse sociologique

« Gagner ce voyage est la meilleure chose

qui me soit jamais arrivée »

Jack Dawson

 

Titanic est un film réalisé par James Cameron sorti en 1997. Il était à sa sortie le film le plus onéreux de l’histoire du cinéma avec 200 000 de dollars et celui qui a battu le records d’audiences avec 128 millions d’entrées aux États-Unis, 21,8 millions en France et 17,2 millions en France. Ses recettes s’élèvent à 1 845 034 188 $. Il a également été encensé par la critique et a reçu 8 oscars dont celui du meilleur film. Cette œuvre cinématographique est donc majeure au sein de la culture occidentale. Titanic est une romance puisqu’il met au centre de son scénario une histoire d’amour entre une homme et une femme. L’un d’eux meurt, ce qui fait de lui une romance dramatique. Par delà l’aspect romantique du film, on a affaire avec Titanic à une mise en scène de la société dans son ensemble dans laquelle la romance occupe une place centrale. Le genre cinématographique peut donc être qualifié de drame romantique. L’audience de ce film et sa place dans la culture populaire en font un film pertinent à analyser et le synopsis le rend intéressant à analyser à travers un prisme sociologique. En effet, comme nous allons le voir, Titanic est une allégorie sociale, une mise en scène de la société de classe. Le présent écrit relèvera deux défis : le premier sera de faire la démonstration de la possibilité d’une analyse cinématographique sous un prisme sociologique, le deuxième sera de montrer que les positions prises par le film sont un facteur possible de changement social. Ce double défi sera relevé en deux sections : la première s’attardera à produire une analyse interne du film en commençant par exposer les éléments présentés par le film puis en montrant comment le film adopte une perspective critique par rapport à ce qu’il met en scène. Dans la deuxième section le film sera mis en relation avec des œuvres du même genre afin d’être replacé dans un contexte socio-culturel cinématographique après quoi nous défendrons l’idée selon laquelle le produit culturel est à l’origine d’une conscience collective.

1- Analyse cinématographique

I- Le RMS Titanic, une allégorie de la société aristocratique conservatrice

Le RMS Titanic, du nom du paquebot, est une matérialisation physique de la société du début du XXème siècle. On peut en effet distinguer trois classes sociales réparties selon les différents étages du paquebot : l’étage du haut est réservé aux passagers de première classe où séjournent les classes supérieures les plus riches et dont les codes sociaux distinguent cette classe des classes inférieures. Cet étage est richement décoré, à l’image des goûts culturels de la classe supérieure. L’étage du dessous, plus modeste, est occupé par les classes populaires et les cales du bateau sont occupées par les classes laborieuses. C’est là que se trouve la machinerie qui permet au bateau d’avancer et où l’on trouve la classe des prolétaires qui travaillent dans des conditions exécrables pendant que les plus riches jouissent de la croisière. Les images montrant les ouvriers travaillant à faire avancer le bateau évoquent les images de la société industrielle du XIXème où les prolétaires exerçaient un travail harassant. La répartition spatiale des passagers est fortement marquée socialement. Cette répartition est évoquée à plusieurs reprises, dans les dialogues et différentes scènes du film. Nous avons donc au sein du Titanic un marquage spatial qui fait office de marquage social.

Le paquebot est présenté comme un bâtiment à la pointe de la technologie, le plus grand et le plus luxueux de son époque, mais aussi le plus solide et le plus indestructible. On peut noter plusieurs références à travers le film à sa supposée insubmersibilité, ne serait-ce que lors de la scène de montée à bord où Caledon (Billy Zane) déclare que « Dieu lui-même ne pourrait pas couler ce bateau », symbole de l’arrogance d’une aristocratie qui croit son ordre social indestructible. Plusieurs éléments dans le film témoignent de l’ordre social figé, ou du moins considéré comme tel par les différents passagers. La barrière est représentée physiquement par les étages, le premier n’ayant été accessible à Jack (Leonardo DiCaprio) que sur invitation de la famille de Rose en remerciement. Les barrières sont aussi matrimoniales comme en témoigne la réplique de l’ami de Jack qui aperçoit Rose penchée à la balustrade à l’étage du dessus : « Oublie-là. T’as plus de chance de voir des anges te sortir du trou de balles que de fréquenter une fille comme ça ». Réplique que l’on pourrait comparer à celle prononcée par le Christ lorsqu’il dit qu’« Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche de rentrer dans le royaume de Dieu. » (Matthieu, 19:24). Cette réplique témoigne de schèmes de pensée ayant intégré, naturalisé les barrières sociales dans une société de forte homogamie. Jusqu’à l’accident, ces barrières sont considérées comme allant de soi puisqu’inscrites dans l’espace physique et apparaissent les plus révoltantes aux yeux du spectateur lorsqu’elles sont placées sous formes de grillages destinés à empêcher les passagers de la troisième classe d’accéder aux canots de sauvetage. Un autre détail témoigne d’un ordre considéré comme à jamais figé est les goûts artistiques de l’aristocratie dominante, en particulier ceux de Caledon devant la collection de Rose. En effet, il déclare « Un certain Picasso. Il ne fera jamais parler de lui, jamais, croyez-moi ». Cette réplique a pu paraître humoristique en 1997 et encore aujourd’hui au vu de la renommée de cet artiste aujourd’hui, elle est pourtant chargée de sens, tant en matière d’habitus qui conditionne les schèmes de perception, de théorie des champs, de violence symbolique que de barrières et de domination.

 

Titanic : Une analyse sociologique

Nous choisissons d’employer le terme d’aristocratie dans ce présent cadre car nous lui trouvons deux signification pertinentes : la première étant sa domination sur le reste de la société, associée à la noblesse d’Ancien Régime et la deuxième étant le caractère naturalisant de ses différences d’avec les classes populaires. Nous ferons abstraction dans ce présent cadre de sa référence au régime royaliste. Le RMS Titanic est à l’image de la société aristocratique de l’époque, luxueuse, arrogante, sûre d’elle-même. On observe à plusieurs reprises les opérations de mise à distance du commun, notamment, une scène se focalise sur une mère et sa fille où celle-ci apprend à se tenir assise et à manipuler sa serviette. L’éducation, nous explique E. Goblot est constituée de subtilités auxquelles il faut avoir été éduqué pour pouvoir les reproduire et dont le but est de donner les apparences de la vertu, monopole de l’élite auxquelles les personnes qui les pratiquent revendiquent l’appartenance. La bourgeoisie exagère et exacerbe des techniques du corps arbitraires, en fait des représentations collectives distinctives. Les habitus et les hexis corporelles sont mises en scène de façon flagrante, en particulier lors de la réception des passagers de première classe à laquelle est invité Jack. Celui-ci en arrivant dans le hall s’appuie sur un pilier comme il a l’habitude de le faire et, observant les personnes qui l’entourent se met à imiter leurs faits et gestes, leur port de corps, leur façon de serrer la main jusqu’à l’arrivée de Rose. Une scène qui peut nous rappeler l’expérience de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot en grande bourgeoisie de laquelle sont ressorties des descriptions détaillées de leur manière de se tenir, en mettant en avant l’opposition debout/avachi, cette opposition qui distingue le Gentleman de l’homme vulgaire. En cette matière, l’aristocratie sait faire valoir sa supériorité comme en témoigne le court dialogue entre « Cal » et Jack : « - Vous passeriez presque pour un gentleman ! - Presque. » Le film n’est d’ailleurs pas en reste en terme de violence symbolique, puisque l’aristocratie semble vouloir, d’après Jack, rappeler aux couches inférieures la place occupée par chacun dans la société. Cette conversation entre Jack et un autre passager illustre cet usage de l’espace à des fins de séparatisme social et physique au passage de plusieurs chiens : « -Ah, ça c’est typique. On descend les chiens de première classe pour qu’ils chient ici. -Pour qu’on sache quel rang on occupe dans l’ordre des choses ? -T’as peur d’oublier ?». Toute cette aristocratie s’incarne à travers le personnage de Caledon Hockley (Billy Zane), archétype de cette société arrogante, élitiste et conservatrice. Fiancé de Rose, il est la personnification de ce que Rose hait et ce que le film critique.

Jack avachi

Jack avachi

Jack redressé

Jack redressé

Jack imite les aristos

Jack imite les aristos

"-Vous passeriez presque pour un gentleman! -Presque."

"-Vous passeriez presque pour un gentleman! -Presque."

Mettre le vulgaire à distance et se distinguer (1)

Mettre le vulgaire à distance et se distinguer (1)

Mettre le vulgaire à distance et se distinguer (2)

Mettre le vulgaire à distance et se distinguer (2)

Mettre le vulgaire à distance et se distinguer (3)

Mettre le vulgaire à distance et se distinguer (3)

II- Une perspective critique

Le film adopte une perspective critique quant à cette société conservatrice. Cette perspective s’articule autour de trois personnages qui amènent à remettre en cause les mœurs des classes supérieures, enfin, la critique atteint son paroxysme avec l’accident qui fait voler en éclat l’ordre social que les aristocrates croyaient si solide. Rose (Kate Winslet) est une jeune femme bien élevée de l’aristocratie promise en mariage à un homme riche dans le but d’assurer la survie financière de sa famille. Par delà ses apparences de fille distinguée, elle bouillonne de l’intérieur, de vie et de désir d’autre chose. « C’était le paquebot de rêve. Pour tous les autres. Pour moi, c’était un négrier. Qui me ramenait enchaînée en Amérique. Extérieurement j’étais tout ce que doit être une jeune fille bien élevée, intérieurement, je hurlais. ». La jeune femme se sent enchaînée par des conventions mais aussi et surtout par une domination masculine qui fait d’elle l’objet central d’une économie de biens symboliques dont la fonction est selon P. Bourdieu de perpétuer ou d’augmenter le capital symbolique et social des hommes. Caledon l’affirme en ces termes «Vous allez me faire honneur comme une femme doit faire honneur à son époux » ( d’ailleurs, le diamant qu’il lui offre ne sert-il pas à faire d’elle la vitrine de son capital économique?) et si on pousse la logique de la perpétuation des capitaux, sa fonction est ici de perpétuer le capital non seulement symbolique des hommes – ici de sa mère en l’occurrence – mais aussi économique car sa mère lui dit que « notre situation est des plus précaire » et que « le fils Hockley est un très bon parti. Ton mariage assurera notre survie ». Il est intéressant de noter que durant cette scène, la mère de Rose lui attache un corset en serrant fortement, comme pour illustrer physiquement la situation dans laquelle se trouve la jeune femme.

Rose DeWitt (Kate Winslet)

Rose DeWitt (Kate Winslet)

Titanic : Une analyse sociologique

Jack est un artiste vivant une vie de bohème. Il se laisse porter aux quatre coins du monde en fonction des opportunités (comme par exemple en gagnant son billet au poker). Il incarne le goût du nécessaire, goût des classes dominées et dégoût des classes dominantes. Son statut d’artiste auquel est associé un genre de vie vient comme en opposition lors du dîner au genre de vie des classes supérieures. Le dialogue suivant est assez éloquent : « Et vous trouvez cette vie sans attache amusante, je présume ? » (ton méprisant de la mère de Rose et regard désapprobateur de Molly) « Mais oui, madame, j’ai tout ce qu’il me faut, de l’air dans mes poumons... ». Cette scène semble être une illustration des propos suivants de Bourdieu : « Le style de vie artiste est toujours un défi lancé au style de vie bourgeois dont il entend manifester l’irréalité, voire l’absurdité, par une sorte de démonstration pratique de l’inconsistance et de la vanité des prestiges et des pouvoirs qu’il poursuit » (Bourdieu, 1979, p. 61).

Jack Dawson (Leonardo DiCaprio)

Jack Dawson (Leonardo DiCaprio)

Titanic : Une analyse sociologique

Molly (Kathy Bates) est une transfuge sociale, une parvenue pour le dire en des termes plus vulgaires dont le mari s’est enrichi lors de la Ruée vers l’or. Elle fait le lien entre les deux amoureux. Elle a accédé au niveau social de l’aristocratie sans en avoir acquis l’habitus tant en manière de faire que de penser. Elle est la preuve vivante qu’il est possible de se déplacer dans l’espace social, une remise en question des manières de penser conservatrices de la classe dominante. Pour le dire en des termes plus sociologiques, son statut social est non-congruent d’après le concept de G. Lenski, cela veut dire que les différents capitaux sociaux qui confèrent chacun différents statuts sociaux sont en quantité inégale chez une personne. Lenski explique un certain conservatisme politique par la congruence des statuts en opposition au progressisme qu’il explique par leur non congruence. Pour aller plus loin, on peut citer Tocqueville et De la démocratie en Amérique pour dire que c’est la mobilité sociale dont Molly est l’incarnation qui est à l’origine du changement.

Margaret "Molly" Brown (Kathy Bates)

Margaret "Molly" Brown (Kathy Bates)

Les mœurs conservatrices sont critiquées pour leur aspect restrictif, leur domination masculine et pour leur hypocrisie. Concernant l’aspect restrictif il s’agit essentiellement de restriction a des pratiques progressistes ou culturelles à travers lesquelles peuvent se manifester un aspect jouissif. Par exemple, après le dîner, Jack conduit Rose à l’étage du dessous en ces termes « Voulez-vous aller dans une vraie fête ? » où a lieu une fête folklorique irlandaise où l’on danse, boit de la bière et joue au bras de fer, bref où l’ambiance est plus dévergondée. La domination masculine est elle aussi critiquée, cette fois-ci par Molly lors d’un déjeuner où Rose s’allume une cigarette sous la désapprobation de sa mère. Cal la lui éteint et commande de l’agneau pour eux deux avant de se tourner vers elle pour lui demander « vous aimez l’agneau mon cœur ? ». La femme est ici infantilisée, considérée comme éternellement mineure, dans le besoin d’être assistée par les hommes jusque dans ses besoins les plus élémentaires. Ce que Molly ne manque pas de souligner en ironisant « Vous devriez lui couper sa viande, pendant que vous y êtes, Cal ». Le film fait une opposition entre cette mentalité et la possibilité pour les femmes d’être à égalité avec les hommes lors de ce dialogue entre Rose et Jack : « - Apprenez-moi à monter à cheval comme un homme ! - Et à chiquer du tabac comme un homme ! » L’hypocrisie apparaît lors du dîner par une mise en opposition entre les mœurs superficiellement raffinées et secrètement immorales ou dévergondées. Ici c’est Rose qui s’empresse de les souligner en désignant quelques passagers : « C’est l’homme le plus riche de ce bateau. Sa jolie petite femme Madeleine a mon âge et elle est dans une situation délicate. Regardez comme elle essaie de le cacher. Un vrai scandale ». Ou encore : « Et là c’est M. X et sa maîtresse, Mme Y. Mme X est à la maison avec ses enfants, bien sûr. » Enfin, « Et là c’est … . Elle crée de la lingerie coquine parmi ses nombreux talents. Elle est très populaire chez les aristos. ». (notons que Rose emploi le terme « aristo » pour parler des gens de son milieu social : signe de distanciation vis-à-vis de ses pairs?) Cette scène permet le désenchantement de l’aristocratie comme classe à la morale distinguée décrite par Goblot.

 

 

Une soirée d'aristocrates

Une soirée d'aristocrates

Une soirée où l'on sait s'amuser

Une soirée où l'on sait s'amuser

Lorsque le paquebot sombre en heurtant l’iceberg, l’évènement apparaît métaphoriquement comme le renversement de l’ordre social que l’aristocratie croyait indestructible. Toutes les classes sociales se retrouvent à égalité devant la mort et c’est là que les privilèges disparaissent. Cal, qui a corrompu un personnel d’équipement afin qu’il enregistre ses bagages à sa place au début du film glisse un nouveau pot-de-vin afin de monter dans un canot de sauvetage. Finalement, le personnel d’équipement lui jette ses billets à la figure ainsi qu’un cinglant « Votre argent ne vous sauvera pas plus qu’il ne me sauvera moi ». Les barrières placées physiquement devant la troisième classe afin de la retenir à l’écart des canots pour lesquels la première classe est prioritaire volent en éclat sous l’action de Jack et de ses compagnons qui se saisissent d’un banc pour défoncer la grille. Le personnel d’équipage ne parvient plus à maintenir l’ordre, des gens courent dans tous les sens, se mélangent les uns aux autres. Les barrières sociales volent en éclats et les privilèges disparaissent, tenus en respect par la mort qui, elle, est universelle. Seul l’amour reste intangible face à la mort. Quand vient le moment pour Rose de monter dans un canot afin d’échapper au déluge, elle refuse d’y rester, saute, ne pouvant se résoudre à abandonner Jack à une mort certaine, préférant y laisser sa vie plutôt que de laisser son bien-aimé perdre la sienne. Le dessin de Rose portant à son cou le Cœur de l’Océan fait par Jack sera d’ailleurs la seule chose retrouvée par les chercheurs de trésors de l’époque contemporaine alors qu’ils croyaient trouver le diamant. Seule chose retrouvée intacte, ce dessin est le témoin pour les générations à venir du caractère impérissable de l’amour, traversant les âges en voyant périr les vanités mondaines.

Allégorie du changement social

Allégorie du changement social

Effondrement des privilèges

Effondrement des privilèges

Explosion des barrières

Explosion des barrières

Seul l'amour véritable survit à l'érosion du temps.

Seul l'amour véritable survit à l'érosion du temps.

2- Le produit culturel au service du changement social

 

I- Un panel cinématographique au service de la critique sociale

 

Dans le même genre cinématographique que Titanic, le drame on retrouve des thématiques similaires qui sont critiquées par les différents films dont elles font l’objet. Nous allons comparer Titanic, à deux autres œuvres cinématographiques. Les œuvres choisies sont largement réparties dans le temps. Nous les avons choisies pour montrer que les populations occidentales sont exposées à ces contenus depuis de nombreuses décennies. Pour la première, nous avons choisi Douze hommes en colère (Twelve Angry Men) de Sydney Lumet avec Henry Fonda sorti en 1957 dont voici le synopsis Allociné : « Un jeune homme d'origine modeste est accusé du meurtre de son père et risque la peine de mort. Le jury composé de douze hommes se retire pour délibérer et procède immédiatement à un vote : onze votent coupable, or la décision doit être prise à l'unanimité. Le juré qui a voté non-coupable, sommé de se justifier, explique qu'il a un doute et que la vie d'un homme mérite quelques heures de discussion. Il s'emploie alors à les convaincre un par un. ». Pour le deuxième nous avons choisi Assassination Nation de Sam Levinson sorti en 2018. Voici le synopsis Allociné : « Lily et ses trois meilleures amies, en terminale au lycée, évoluent dans un univers de selfies, d’emojis, de snapchats et de sextos. Mais lorsque Salem, la petite ville où elles vivent, se retrouve victime d’un piratage massif de données personnelles et que la vie privée de la moitié des habitants est faite publique, la communauté sombre dans le chaos. Lily est accusée d’être à l’origine du piratage et prise pour cible. Elle doit alors faire front avec ses camarades afin de survivre à une nuit sanglante et interminable. ». Les deux films sont du genre dramatique et sont comparables en certains points avec Titanic.

Titanic : Une analyse sociologique

Douze hommes en colère est une critique du déterminisme social essentialiste envers les personnes issues des catégories populaires que l’on considère souvent trop facilement portées naturellement au crime. Plusieurs points communs peuvent être mis en évidence. D’abord un aspect de forme : Douze hommes en colère est un huis clos, Titanic se passe sur un bateau. Les membres du jury sont tous issus de milieux sociaux différents tandis que le présumé coupable est issu d’un milieu défavorisé. Nous avons là deux microcosmes sociaux dans lesquels on retrouve un système de classe. Autre point commun : vers le milieu du film a lieu un renversement de l’ordre social lorsque la proportion de votes « non coupable » passe de minoritaire à majoritaire. Ce renversement, exprimé symboliquement dans Titanic par l’accident naval trouve une expression symbolique dans Douze hommes en colère à travers d’une part le changement météorologique (il se met à pleuvoir) et par le ventilateur qui se met à tourner, symbolisant le mouvement social et la mobilité. Le jeune homme est victime de préjugés essentialistes qui font de lui un coupable présumé : « Je crois que nous posons mal le problème. Ce garçon est le produit d’un foyer brisé et d’un milieu pourri, on n’y peut rien. (...) Il est né dans un faubourg sordide où se développe la graine des criminels, nous savons tous cela. C’est connu, les enfants élevés dans ce milieu sont une menace pour la société. ». Jack Dawson a été accusé à plusieurs reprises. La première fois sur le pont du bateau après avoir sauvé Rose et la deuxième par Caledon pour l’éloigner de Rose en faisant croire qu’il avait volé le diamant. Les deux films critiquent l’essentialisme de classe et l’ordre social figé qui font des uns les éternels dominants et des autres d’éternels coupables.

Titanic : Une analyse sociologique

Assassination Nation a une démarche originale, puisqu’elle passe par le numérique pour dénoncer les conséquences d’un conservatisme social arriéré. Dans un monde totalisé par le numérique où les pratiques de chacun peuvent être révélées au grand jour, un piratage de masse révèle des données privées sur des habitants de la ville de Salem. Très vite, le film nous fait comprendre que le l’ordre public ne peut rien faire pour protéger les données de la population. La police déclare ne rien pouvoir faire face à cette fuite de données massive. « -Et personne ne peut arrêter ces vidéos ? -Malheureusement, monsieur, c’est très difficile d’arrêter internet ». Le film écarte rapidement par là la thématique de la protection des données numériques pour se consacrer à celle des mœurs et de la tolérance. La partie républicaine de Salem ne peut tolérer l’existence de certains choix de vie, de certaines pratiques, de certaines orientations sexuelles. Tous sont soudain au courant de ce qui se passe dans la vie des autres. Tout d’abord, ce sont des clichés du maire de la ville, républicain anti-LGBT qui circulent sur internet le montrant habillé de sous-vêtements féminins. Suite au scandale que cela provoque, celui-ci mettra fin à ses jours en publique. La ville sombre dans un tourbillon de vengeance et d’expiations. Les quatre jeunes filles sont rapidement recherchées afin d’être tuées, accusées d’être à l’origine de cette fuite. Selon l’héroïne, il ne s’agit pas de vengeance pour ce qu’elle aurait fait, mais pour ce qu’elle est et représente : le libertarisme sexuel (entendons par libertarisme sexuel toute forme de pratique progressiste liée à la sexualité tel que l’homosexualité, la transidentité, etc.). « Qui va regarder la photo d’une fille nue et immédiatement se dire : yo, faut que je tue cette pute ? Beaucoup plus de gens que vous croyez ». Les quatre jeunes filles sont en effet très court vêtues et manifestent de forts penchants pour tout ce qui a trait à la sexualité. L’une d’elle est transsexuelle. Ce que ce film tente de nous faire comprendre est que d’une part, il est impossible de contrôler la circulation des données, ensuite que le problème lié à la vie privée se situe dans l’intolérance vis-à-vis des pratiques les plus progressistes au sens du libertarisme sexuel. En effet, si chacun avait accepté et reconnu comme légitimes certaines pratiques, la ville n’aurait pas sombré dans le chaos. Il s’agit là d’une critique d’un certain conservatisme – il s’agit ici du républicanisme – tout comme dans Titanic on retrouve une critique du conservatisme restrictif vis-à-vis du choix du conjoint, des pratiques progressistes, des goûts culturels. Si nous faisons la synthèse de ces trois films, nous avons là une critique globale du conservatisme et une promotion du progressisme et du changement social. Cette critique sociale peut se comprendre sous la forme d’opinions, concept emprunté à J. Stoetzel qu’il faut comprendre comme une adhésion à une certaine formule plus ou moins nuancée qu’on peut énoncer en face d’un problème (par exemple le choix du conjoint). Nous avons présenté un panel de films datant de différentes époques, tous prônant des messages similaires et cohérents entre eux. Trois films auxquels pourraient s’ajouter d’autres films prônant des valeurs comparables, tel que la série Rocky (John G. Avildsen) qui fait la promotion de l’ascenseur social, Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron, 2014), critique vis-à-vis des barrières éthnico-religieuses, etc. Nous pouvons dès lors envisager l’idée que plusieurs générations ont baigné dans un environnement culturel prônant des idées progressistes.

II- L’influence sur les schèmes de pensée

 

Les Français sont les plus grands consommateurs d’Europe en termes de cinéma. « La France demeure en 2018 le premier marché européen du cinéma avec le niveau le plus élevé de fréquentation : Grande Bretagne 176 millions, Allemagne 90 millions, Espagne 92 millions, Italie 79 millions. «  peut-on lire sur le site du Centre National du Cinéma (CNC). En 2015, 66 % des Français ont fréquenté les salles de cinéma, 1 spectateur sur 3 s’y est rendu au moins une fois par mois. L’ensemble de la population cinématographique s’y est rendue en moyenne 5 fois. Les Français étaient 67 % à s’être rendus dans les salles obscures en 2014, 63 % en 2013. Tous les âges sont représentés dans la population cinématographique. La fréquentation des cinémas a augmenté en trente ans. Rappelons à ce titre que l’audience que Titanic reçut à sa sortie battit des records d’audience et est à ce jour un des films les plus vus au monde. Cependant nous ne disposons pas des audiences de télédiffusion. En 2017, l’investissement publicitaire pour les films français bénéficiant d’une promotion s’élevait à 772 000 euros et de 2,2 millions d’euros pour les films américains que cela concerne les campagnes dans la presse, les investissements publicitaires, les bandes annonces en cinéma ou l’affichage. Tous ces chiffres concernent seulement la fréquentation des salles de cinéma et des études concernant la pratique cinématographique à domicile tant télévisuelle que sur supports d’enregistrement (DVD, blu-ray, etc) seraient les bienvenus afin de mesurer l’ampleur de l’importance des produits cinématographiques dans la vie des individus.

Le cinéma est une pratique sociale courante qui diffuse sans la moindre peine des contenus culturels tels que ceux décrits plus haut. Ces produits culturels, nous l’avons montré, sont porteurs d’opinions et sont présents de manière diffuse dans la population, participant ainsi à la création d’un environnement culturel et donc à des conditions d’existence partagées par un grand nombre d’individus. Dans ces conditions d’existence, les individus sont exposés régulièrement à des contenus culturels qui induisent chez eux des attitudes à comprendre comme des dispositions mentales qui rendent le sujet plus ou moins favorable à certaines coutumes, à certaines personnes, à certains événements, à certaines idées, et le prédispose à agir conformément aux préférences ou aux répulsions que cela fait naître en lui. En d’autres termes, les individus sont plongés dans des systèmes de dispositions structurées structurant chez eux des schèmes de pensée durables et transposables. Les spectateurs, en étant exposés aux contenus cinématographiques développent des opinions conformes au contenu culturel qui leur est diffusé. Ils seront dès lors plus sensibles aux questions sociétales traitées au cinéma, manifesteront des opinions penchant dans un sens orienté par le cinéma. Il seront plus favorables à l’hétérogamie sociale comme phénomène social et seront plus distants vis-à-vis du conservatisme de classe. L’influence du cinéma sur les opinions peut certes s’avérer difficile à saisir. Il est difficile d’évaluer à une aussi grande échelle l’influence d’un facteur aussi particulier que les contenus cinématographiques sur les individus à une échelle aussi qualitative que leurs schèmes de pensée, néanmoins, la réception d’Hélène et les garçons a pu être observée sur les enfants et adolescents spectateurs. En effet, les filles manifestent des formes d’identification en se mettant en scène dans des jeux de rôle, en rejouant les scènes des épisodes de la série ou encore en s’identifiant parmi une communauté de fan. Les spectateurs s’identifient au sein d’une « conscience collective » qui fait souscrire le corps social à des valeurs de manière quasi-unanime. « Et ces valeurs reflètent à leur tour les positions que la société adopte face aux problèmes qui se posent à elle. » (Marcel, 1998).

 

Titanic est une œuvre cinématographique d’envergure mondiale, un produit culturel commun à l’humanité qui véhicule des idéaux de mobilité sociale à travers le couple hétérogame. Titanic pose le discrédit sur un ordre social figé mais révolu qui met des barrières aux choix conjugaux et enferme les femmes dans des carcans patriarcaux. Il fait partie d’un ensemble d’œuvres dramatiques critiquant les ordres sociaux figés au sein d’un cinéma globalement progressiste. Le cinéma est une pratique sociale répandue et diffuse au sein de la société qui véhicule des positions (opinions) dans lesquelles les individus baignent de leur naissance jusqu’à leur mort depuis plusieurs générations. La pratique du cinéma n’a fait que s’étendre et gagner en importance depuis son invention en 1895. Il est à l’origine de produits culturels qui font référence auprès de la plus grande partie de la population et qui donc participent à la formation d’une « conscience collective ». Les produits culturels dans leur ensemble font partie de la société et représentent en cela des phénomènes objectifs à l’origine de phénomènes sociaux observables. La musique, par exemple est à l’origine de phénomènes vestimentaires, d’une culture et d’une philosophie. Les Beatles, s’adressant aux teenagers issus du baby-boom furent par exemple à l’origine d’une culture « jeune » en Grande-Bretagne comme le montre l’article de Sarah Pickard « Les Beatles et la naissance de la culture jeune en Grand-Bretagne ». Nous pouvons dès lors nous ouvrir à une sociologie de la culture envisagée comme chose à l’origine de croyances et de pratiques.

Bibliographie

 

Bourdieu, P, La Distinction, Les éditions de Minuit, 1979, Paris ; La Domination masculine, Seuil, 1998 ; Esquisse pour une théorie de la pratique, Seuil, 2000, Paris ; « Structures, habitus, pratiques », Le Sens pratique, Les éditions de Minuit, 1980, Paris

Goblot, E, La Barrière et le niveau. Étude sociologique sur la bourgeoisie française moderne, 1984, Paris

Marcel, J.-C., « Jean Stoetzel élève de Maurice Halbwachs: les origines françaises de la théorie des opinions », Les classiques des sciences sociales, 1998

Pasquier, D., « Identification au héros et communautés de téléspectateurs : la réception d’« Hélène et les garçons » », Hermès, La Revue, 1998/1 n°22, pp. 101-109

Pinçon, M. et Pinçon-Charlot, M., « l’hexis corporelle comme marqueur social », Voyage en grande bourgeoisie. Journal d’enquête, Quadrige, 2015, Paris

Gansemer, M., Millery, E., Pirad, T. et al, Chiffres clés. Statistiques de la culture et de la communication, 2016, 2017, Ministère de la culture et de la communication

Filmographie

Cameron, J., Titanic, 20th Century Fox, Paramount Pictures, Lightstorm Entertainment, 1997

Levinson, S., Assassination nation, Bron Studios, Foxtail Entertainment, Phantom Four, 2018

Lumet, S., Douze hommes en colère, Orion-Nova Productions, 1957

Sitographie

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=4063.html

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=255065.html

Douze hommes en colère, wikipédia

https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/frequentation-des-salles-de-cinema--2005-millions-dentrees-en-2018_903437

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5 juillet 2017 3 05 /07 /juillet /2017 09:57
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15 avril 2017 6 15 /04 /avril /2017 16:30

Voici un scénario fictif et quelque peu futuriste sur la manière d'acheter et l'utilisation des informations personnelles par des groupes privés.

- "Pizza 2015, bonjour."

- "Bonjour, je souhaite passer une commande."

- "Puis-je avoir votre NNI, monsieur ?"

- "Mon numéro national d'identification (NNI), oui, un instant, voilà, c'est le 102049998-45-54610."

- "Merci Mr. Jacques. Donc, votre adresse est bien 316 rue de la Baguette et votre numéro de téléphone 494-2366. Votre numéro de téléphone professionnel à la DGI est 745-2302 et votre numéro de téléphone mobile 266-2566. De quel numéro appelez-vous ?"

- "Euh ? Je suis à la maison. D'où sortez-vous toutes ces informations ?"

- "Nous sommes branchés sur le système monsieur."

- "Ah bon ! Je voudrais deux de vos pizzas spéciales à la viande."

- "Je ne pense pas que ce soit une bonne idée monsieur."

- "Comment ça ?"

- "Selon votre dossier médical, vous souffrez d'hypertension et d'un niveau de cholestérol très élevé. Votre assurance maladie vous interdit un choix aussi dangereux pour votre santé."

- "Aïe ! Qu'est-ce que vous me proposez alors ?"

- "Vous pouvez essayer notre Pizza allégée au yaourt de soja. Je suis sûre que vous l'adorerez."

- "Qu'est-ce qui vous fait croire que je vais aimer cette pizza ?"

- "Vous avez consulté les 'Recettes gourmandes au soja' à votre bibliothèque locale la semaine dernière monsieur. D'où ma suggestion."

- "Bon d'accord. Donnez m'en deux, format familial. Je vous dois ?"

- "Ça devrait faire l'affaire pour vous, votre épouse et vos quatre enfants monsieur. Vous nous devez 50 euros."

- "Je vous donne mon numéro de carte de crédit."

- "Je suis désolée monsieur, mais je crains que vous ne soyez obligé de payer en liquide. Votre solde de carte de crédit dépasse la limite".

- "J'irai chercher du liquide au distributeur avant que le livreur n'arrive."

- " Ça ne marchera pas non plus monsieur. Votre compte en banque est à découvert."

- "Ce n'est pas vos oignons. Contentez-vous de m'envoyer les pizzas. J'aurai le liquide. Combien de temps ça va prendre ?"

- "Nous avons un peu de retard monsieur. Elles seront chez vous dans environ 45 minutes. Si vous êtes pressé, vous pouvez venir les chercher après être avoir retiré du liquide, mais transporter des pizzas en moto est pour le moins acrobatique."

- "Comment diable pouvez-vous savoir que j'ai une moto ?"

- "Je vois ici que vous n'avez pas honoré les échéances de votre voiture et qu'elle a été saisie. Mais votre moto est payée, donc j'ai simplement présumé que vous l'utiliseriez."

- "@#%/$@&?#!"

- "Je vous conseille de rester poli monsieur. Vous avez déjà été condamné en juillet 2006 pour propos insultants."

- ...

- "Autre chose monsieur ?"

- "Non, rien. Ah si, n'oubliez pas les deux litres de soda gratuits avec les pizzas, conformément à votre pub."

- "Je suis désolée monsieur, mais une clause d'exclusion de notre publicité nous interdit de proposer des sodas gratuits à des diabétiques."

 

Selon l'article 9 du Code civil, "Chacun a droit au respect de sa vie privée". La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, stipule que "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance".

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10 février 2017 5 10 /02 /février /2017 17:48

     5000 personnes dorment à bord d'un vaisseau spatial, le Starship Avalon qui voyage à destination de la planète Homestead II. Le voyage est d’une durée de 120 ans. Les passagers sont maintenus dans un état d’hibernation le temps du voyage dans des capsules individuelles. Ils sont supposés se réveiller quatre mois avant l'arrivée. Mais un accident survient lorsqu’un météore particulièrement gros parvient à traverser le bouclier du vaisseau provoqu ant un dysfonctionnement. Un passager nommé Jim Preston, mécatronicien de fonction, se réveille 90 ans trop tôt. Celui-ci va rapidement comprendre qu'il est condamné à passer tout le reste de sa vie seul à bord du vaisseau.

Un certain nombre de thèmes sont présents dans ce film : bien sûr le rapport à la technologie, mais aussi l’amour, la mort, la solitude, mais également les loisirs, la nature et la jouissance.

/!\ SPOILERS /!\
I – Se réveiller seul au monde

     Tout d’abord, nous analysons le cadre du film : un vaisseau à destination d’une planète nouvelle avec à son bord un simple mécatronicien en route pour une terre où il pourra se rendre utile, construire sa maison. Cette allégorie est celle du simple ouvrier qui traverse la mer ou l’océan pour immigrer. Ce voyage intersidéral est en fait une prolongation du sans-frontiérisme.

     Quand il se rend compte qu’il s’est réveillé trop tôt, Jim tente tout pour essayer de tout faire rentrer dans l’ordre, en vain. Il cherche alors du réconfort auprès d’Arthur, le barman androïde du vaisseau qui lui dit de ne pas penser à pourquoi il est là, maintenant et qu’il devrait profiter de ce qui est disponible. La situation de Jim est une allégorie de la présence de l’homme sur Terre : un accident. Tout comme Jim s’est accidentellement réveillé au milieu de l’espace bien que tous les androïdes lui soutiennent que c’est impossible, l’apparition de l’homme sur la Terre, au milieu de l’espace est due à un hasard improbable. De la même manière que Jim s’est réveillé accidentellement sans moyen de se rendormir et n’a plus qu’à profiter des services proposés par le vaisseau, l'homme doit chercher à profiter au maximum de la vie plutôt que de passer son temps à essayer de lui trouver un sens ou de chercher à miser sur un éventuel au-delà. C’est ce qu’il va faire sur les conseils d’Arthur, son unique compagnon.

     Jim va alors profiter de toutes les prestations que le vaisseau offre, notamment en matière de loisirs : restaurants, basket, bar, danse, balade dans l'espace, piscine, jeux vidéos… Jim va alors entrer dans une utilisation anarchique de ses loisirs solitaires, libéré de toute autorité et de tout regard social. très vite, la solitude commence à le ronger et Jim sombre peu à peu dans une dépression qui va même le conduire au bord du suicide. Un jour, il trouve la cabine d’Aurora Lane à qui il va s’intéresser à travers des interviews disponibles à bord du vaisseau. Il est alors tenté de la tirer de son sommeil pour se sortir de sa solitude. Un dilemme s’offre à lui : mettre une autre personne dans le même pétrin que lui sans possibilité de retour en arrière en s’offrant la possibilité de se sortir de sa solitude et de vivre une histoire d’amour ou continuer à vivre seul sans la déranger. Malgré ses tentatives ne ne pas céder à la tentation, il finira par y céder.

 

II – Une vie à deux, seuls au monde

 

     Aurora a d’abord du mal à se faire à l’idée de passer sa vie à bord du vaisseau. Commence alors pour eux deux une vie d’amour et de luxe, une vie de couple de rêve où ils se partagent à eux seuls tous les loisirs disponibles à bord du vaisseau qui trouvent alors une nouvelle dimension. L'homme est un être social avant tout. Un être qui ne peut pas être heureux s'il vit seul, quand bien même il aurait accès à tout ce qu'il veut. La jouissance solitaire, anarchique et nihiliste ne peut lui procurer le bonheur. La jouissance doit se faire dans un cadre collectif, en communion avec les autres. Grâce à elle, il a accès à de nouvelles prestations alimentaires, plus luxueuses, celles-ci. Seul, il n’avait accès qu’à des petits déjeuners bas de gamme, mais comme Aurora a payé un voyage de première classe, il peut accéder à des petits déjeuners de luxe. L’individu seul ne se suffit pas à lui-même, il a besoin de congénères avec qui il peut être complémentaire. Jim, dans sa jouissance solitaire, était malheureux. Mais avec Aurora, sa « femme », il retrouve le bonheur. Cela fait aussi écho au récit biblique Adam et Eve. Adam se sentait seul et Dieu lui a suscité une femme pour qu'il puisse y trouver calme, joie et sérénité auprès d'elle.

 

III – Le vaisseau en péril

 

     Un troisième personnage est réveillé, il s’agit du chef du quart, Gus Mancuso dont la capsule vient de subir un dysfonctionnement. Le dysfonctionnement de sa propre capsule a provoqué chez lui des nécroses internes, il est donc condamné. Grâce à lui, ils ont accès à tout le vaisseau. Il va les aider à comprendre l’origine des dysfonctionnements du vaisseau. En effet, ils découvrent que suite à la collision qui a réveillé Jim, les problèmes s’enchaînent et se déchaînent, mettant le vaisseau et toute sa communauté humaine en péril. Ils vont alors devoir chercher l’origine de la panne et y remédier, au péril de leur propre vie. C’est l’utilisation de la technologie qui est ici critiquée et qui met en péril l’humanité. Cela nous renvoie à notre utilisation actuelle de la technologie. Lors de la dernière scène du film, on voit dans le hall qu’un immense jardin a poussé que des robots sont en train d’entretenir. Les deux personnages ont retenu la leçon du risque technologique et qu’elle doit être utilisée en harmonie avec la nature. C’est le message que veut nous envoyer le film à ce moment là.

     Le rapport à la mort est également présent et s’affirme de plus en plus au cours de ce film. D’abord, c’est Jim qui découvre qu’il va mourir à bord du vaisseau, ensuite Aurora qualifie le geste de Jim consistant à l’avoir réveillée de « meurtre », Gus meurt à la suite de son réveil brutal et accidentel, enfin, c’est la vie de tous les passagers qui est en jeu. D’abord, ce rapport à la mort trouve comme réponse la jouissance absolue à travers l’amour et les loisirs, à la fin, il faut remédier au risque que tout le monde meure accidentellement. Cela nous renvoie naturellement à notre propre rapport à la vie et à la mort. En effet, en l’absence de vie céleste, nous devons profiter au maximum de notre vie terrestre. Cependant les conséquences de l’application de cette idée qui passe par l’utilisation de la technologie et le consumérisme sont en train de mettre l’humanité en péril. Pour l’éviter nous devons utiliser plus sagement la technologie.

 

Conclusion

 

     L’apparition de l’homme au milieu de l’espace, tout comme le réveil de Jim Preston, est accidentel. Plutôt que de se perdre en conjectures sur le but de sa présence, il faut profiter de ce qui est à notre disposition ici bas. La jouissance ne peut être que collective, son aboutissement étant l’amour entre deux êtres.

     Le film apparaît comme le passage d’hommes d’une terre à une autre, une « traversée du désert » qui a pour objectif de reconstruire ailleurs une civilisation nouvelle. Le vaisseau et les capsules d’hibernation sont en quelque sorte les cocons dans lesquels l’humanité subit une mutation qui va les mener à une utilisation plus parcimonieuse de la technologie, en harmonie avec la nature.

 

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23 octobre 2016 7 23 /10 /octobre /2016 14:10

          On a vu ces derniers temps passer dans l’actualité des images d’animaux maltraités dans des abattoirs révélées par l’association L214. Notamment celle d’un agneau accidentellement écartelé vivant. Ces scandales entraînent la fermeture des abattoirs concernés pour inspection, puis leur réouverture.  Ces images sont là pour remettre en cause les méthodes d’abattage entraînant stress et douleurs aigües chez les animaux. Au mieux, cela a pour conséquence plus de réglementation du traitement animal… jusqu’au prochain scandale. Les abattoirs ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La traite des animaux a lieu tout au long de leur vie, de leur naissance à leur mort dans les élevages et les laboratoires. Avec toutes les règlementations en vigueur et le militantisme pour la cause animale, bien peu de choses ont changé dans la condition animale. Pour savoir si une protection animale plus efficace est possible, il est nécessaire de comprendre le cadre historique et idéologique dans lequel notre rapport à l’animal s’exerce. En premier lieu, nous verrons l’évolution de la place de l’animal dans notre société de l’époque moderne jusqu’à aujourd’hui de la thèse de l’animal machine jusqu’à l’exploitation moderne de l’animal  en passant par la montée de l’affection pour les animaux. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à la protection de l’animal en elle-même à travers les motifs anthropocentriques et ceux qui mettent l’animal au centre et nous verrons quels résultats ont été obtenus. Enfin, nous parlerons de la situation actuelle de l’exploitation animale et de ses conséquences sur le long terme.
 

Une protection animale plus efficace est-elle possible ?

         

I – La place de l’animal dans la société

a) Animal-machine

          Si la situation de notre rapport à l’animal en est là où elle en est, c’est avant tout dû à la thèse de Descarte de l’animal machine. Selon cette thèse, développée dans Discours de la méthode, l’animal est un être dépourvu de raison que Dieu a créé sur le modèle des automates que nous connaissons mais dans une bien plus grande complexité et dont l’homme doit disposer. Cette thèse ne consiste pas à dire que l’animal est une machine, elle dit que l’animal doit être traité comme telle par l’homme qui doit se faire « maître et possesseur de la nature ». De cette thèse, les conséquences sont observables depuis le début du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui, notamment à travers la vivisection et l’expérimentation animale, mais aussi dans l’industrie agroalimentaire. Ce sont des points sur lesquels nous reviendrons. Au XIXème siècle il était impossible pour un étudiant en médecine d’échapper au spectacle de la vivisection. Ce thème est présent dans la Cinquième partie de Discours de la méthode où Descartes décrit l’expérience d’une dissection animale et nous décrit l’intérieur. Le corps de l’animal est censé nous en apprendre sur ses mécanismes, il faut pour se faire, regarder à l’intérieur comme on ouvrirait une machine pour voir comment elle est faite. Nous allons étudier l’évolution du rapport à l’animal au XIXème siècle. Dans la ville au XIXème siècle il est courant de croiser des animaux et d’en voir supporter des charges : chevaux, ânes, chiens, moutons, vaches. Les chevaux étaient particulièrement utilisés pour tirer des véhicules : charrettes, cabriolets, omnibus, ce qui en faisait des animaux des plus familiers. Ils étaient fréquemment battus et obligés de supporter des charges trop lourdes, si bien qu’il arrivait de les voir agoniser sur la route. Aucun intérêt n’était accordé à leur bien être et il était alors courant de voir des animaux faméliques dont le corps était déformé par les exercices physiques qu’on leur imposait. Les animaux de boucherie étaient abattus en ville dans des lieux où on pouvait aller et venir comme sur les marchés. Il arrivait qu’une bête à moitié égorgée se sauve et renverse tout sur son passage. Quand ils ne servaient pas un intérêt directement utilitaire, les animaux étaient employés comme divertissement dont l’exemple le plus connu est la tauromachie, mais aussi les combats de coqs. Tout cela bien sûr se faisait à la vue des enfants. L’animal au début du XIXème siècle était donc un objet d’exploitation, une matière première à disposition. L’animal lui-même n’intéressait pas, son bien-être n’importait pas. Son seul intérêt résidait dans les services qu’il pouvait rendre, par sa force de travail, sa chair ou encore pour le divertissement qu’il était susceptible d’offrir.
 
b) Montée de l’affection pour les animaux
 
          Mais petit à petit, la tolérance envers la violence et les spectacles morbides s’est mise à diminuer, la société se pacifiait. La violence envers les animaux était de moins en moins tolérée. Cette sensibilité s’adressait aux chiens utilisés comme bêtes de somme et plus particulièrement aux chevaux, qui étaient très familiers aux citadins du XIXème siècle. Le rapport à la viande en est un exemple éloquent. Les premiers abattoirs furent créés à Paris en 1809 afin d’éloigner le spectacle de l’abattage de la vue des âmes sensibles. Désormais, on ne présente plus des grosses pièces de viande, trop proche de leur forme animale, mais on la présente en petites portions. Le champ lexical a lui aussi évolué de façon à séparer l’animal de sa viande. Ainsi tout bovin adulte devient du « bœuf », le cochon devient du « porc ». Cette différenciation est beaucoup plus marquée dans la langue anglaise. Le rapport moderne à la viande doit ainsi faire autant que possible oublier le rapport avec un animal mort. Au fur à mesure du XIXème siècle, on observe une montée de l’affection envers les animaux. La principale cause de ce changement de point de vue sur l’animal a été la théorie de l’évolution de Darwin De l’origine des espèces publié en 1859 qui met à jour la proximité entre l’homme et l’animal. Cette révélation a eu deux types de réactions ambivalentes : d’une part une montée de la compassion envers les animaux et d’autre part une peur de l’abaissement de l’homme à l’animalité, l’animal étant associé à la brutalité. Avec la compassion, c’est également la sympathie pour les animaux, ce sentiment qui fait prendre possession imaginairement du corps de l’autre pour ressentir sa souffrance. L’affection pour les animaux augmente avec les femmes en première ligne, puisqu’étant au foyer ce sont elles qui prennent soin de la famille, y compris des animaux domestiques. La protection animale sera d’ailleurs intimement liée à la libération de la femme au cours du XIXème siècle. Le XIXème siècle voit fleurir les récits mettant en scène des animaux destinés aux enfants et des poèmes consacrés aux animaux. Ces récits mettent en scène les animaux dans un rôle de narrateur. D’autres sont inspirés de faits réels comme des histoires de chiens qui sauvent des enfants de la noyade. Ces récits ont pour but de sensibiliser le public à la cause animale. Avec le développement des machines, l’animal laisse peu à peu place aux moteurs et l’animal utilitaire disparaît au profit de l’animal de loisir avec lequel l’homme a des relations amicales. Au XXème siècle se développe la contemplation et l’admiration de la nature. Des documentaires sont réalisés afin de sensibiliser le public à la préservation de la nature. Le premier du genre, Par dix-huit mètres de fond réalisé en 1942 par Jacques-Yves Cousteau présente la vie sous-marine au public. Plus récemment dans la même veine, le film Océans montre la vie sous-marine sur grand écran, réalisé en 2010 par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud. L’heure est désormais à l’homme admirateur de la faune sauvage et bienfaiteur qui place la victime animale sous sa protection afin de lutter contre la disparition des espèces due à la surexploitation de la nature.
c) Exploitation moderne de l’animal
 
          De nos jours, deux types de rapport à l’animal cohabitent au sein de notre société. D’une part un rapport d’affection avec par exemple les chiens, les chats, ou de loisir comme avec les chevaux, les cétacés et les animaux des cirques.  D’autre part un rapport de possesseur à exploité où l’animal joue le rôle d’une machine destinée à être transformée en nourriture ou à tester des produits cosmétiques. Dans le premier cas, le rapport amical, consumériste, agréable à l’homme est visible de tous tandis que dans le deuxième cas, le rapport d’exploitation est honteusement caché. Il s’agit de l’industrie agroalimentaire où l’animal naît en étant destiné à l’abattoir et toute sa vie sera consacrée à la préparation de ce but. Il s’agit aussi de l’expérimentation animale où des animaux ont pour seule destinée de tester des produits cosmétiques, médicamenteux ou autres avant qu’ils soient mis sur le marché ou encore de servir à des expériences de psychologie ou de biologie. Ces animaux seront tués en n’ayant jamais senti la sensation de l’herbe sous leur pattes. On estime que deux milliards d’animaux sont tués en France chaque année et qu’un éleveur pourra tuer entre six et neuf millions d’animaux sur 25 ans de travail. L’ambivalence est la plus flagrante en ce qui concerne les delphinariums où des dauphins  vivent dans le seul but d’amuser les enfants. Ils vivent enfermés dans des piscines chlorées où ils développent des problèmes de peau après avoir été capturés en mer en ayant survécu au massacre de leurs congénères, pour ceux qui ne sont pas nés en captivité. C’est un exemple flagrant de la cohabitation amicale de façade entre l’homme et l’animal et l’exploitation et les mauvais traitements qui en découlent qui, eux, restent à l’abri des regards du public, qui lui, ne se doute pas des mauvais traitements comme la privation de nourriture subis par le dauphin pour exécuter des cascades sous ses yeux. Le public y voit des dauphins amis de l’homme aimant leur dresseur, prêts à exécuter des tours par abnégation, par amour de leur dresseur et du genre humain et surtout par amusement. Cette ambivalence dans le rapport à l’animal au sein de notre société aboutit à une contradiction. Nous voulons que l’animal nous serve mais nous ne voulons pas qu’il souffre, comme le prouvent les scandales provoqués par les vidéos de L214. Or, notre exploitation de l’animal n’est pas parvenue à supprimer la souffrance animale. Nous sommes ici en plein dans le paradigme de l’animal-machine qui attend de l’homme qu’il traite l’animal pour ses besoins sans pour autant nier sa capacité à souffrir et à ressentir du plaisir. Le rapport de l’homme à l’animal dans notre société consiste en un rapport d’exploitation, de consumérisme, de loisir. Il nous est agréable d’avoir un animal chez soi, d’aller caresser des poneys, de voir le spectacle d’animaux sautant dans des cerceaux comme nous apprécions d’avoir un bon steak dans notre assiette. Pour gérer ces désirs et leurs dérives, le moyen trouvé par notre société consiste à réglementer et rationaliser les pratiques liées aux animaux. Cette rationalisation va du simple protocole d’abattage aux traités internationaux interdisant la chasse de certaines espèces. Elle s’appuie sur les différents mouvements de protection animale et leur militantisme que nous détaillerons dans la partie suivante.

2 – La protection de l’animal

a) Des motifs anthropocentriques
 
          Puisque avant la théorie de l’évolution de Darwin l’animal n’intéressait pas pour ce qu’il était, les premières lois de protection animale ne visaient pas, paradoxalement à protéger les animaux. Les Britanniques furent novateurs avec le Martin’s Act, première loi en 1822 à interdire la violence publique envers le bétail. La loi Gramont suivit quelques décennies plus tard, en 1850 en France interdisant elle aussi la violence envers les animaux. Ces lois furent votées non par souci du bien être animal, mais dans le but de réprimer la violence publique. La violence envers les animaux se retournerait inévitablement contre les hommes. La première société protectrice des animaux fut créée en Grande-Bretagne en 1824 sous le nom de Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (société royale de prévention à la cruauté à l’égard des animaux) la Société Protectrice des animaux fut quant à elle crée en 1845. Elles non plus n’avaient pas pour objet la souffrance animale. Leur objectif était de lutter contre la violence publique. Leur but était la pacification des hommes entre eux. On voulait également éviter aux âmes sensibles le spectacle de la violence. L’éducation des enfants était visée. Un enfant qui maltraitait un animal était fortement susceptible de devenir à l’âge adulte un bourreau pour ses congénères. Les gravures de William Hogart The Four Stages of Cruelty illustrent cette crainte. Des moyens furent mis en place auprès des adultes comme des enfants pour les sensibiliser à la cause animale. Les récits d’animaux servaient ce but. Le livre Mémoires d’un âne de la comtesse de Ségur a été rédigé à cet effet.  Des peluches d’animaux étaient confiées aux enfants afin d’éveiller leur sensibilité. À ces moyens, il faut ajouter des systèmes de récompense, de punition et de surveillance. Des concours étaient organisés avec à la clé une médaille, des inspecteurs étaient mis en place pour pouvoir punir les contrevenants. On encourage à faire preuve de douceur dans le dressage des animaux. Les moyens mis en place auprès des enfants dans la sensibilisation à la protection animale visent à former des citoyens maîtres d’eux-mêmes. Même pour des motifs religieux, la protection animale se fait au nom d’un anthropocentrisme. En Angleterre, c’est l’ascétisme protestant qui, par le végétarisme décide de s’appliquer à la protection animale. Le protestant le fait plus par vertu personnelle que par compassion envers les animaux. Exercer une compassion que rien n’oblige envers des êtres insignifiants élève l’homme à l’excellence morale. On protège l’animal pour soi et non par charité. De la même façon, encore aujourd’hui le FBI surveille les cruautés envers les animaux qui sont classées parmi les crimes majeurs. On a en effet observé que les criminels responsables de meurtres en série s’étaient auparavant exercés sur des animaux. Les motifs de la protection animale sont anthropocentriques depuis le XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui. Cependant, les motifs invoqués sont toujours des motifs de sensibilité et de compassion. Pour mettre en place cette volonté de protéger les animaux contre les actes cruels, il a fallu invoquer la qualité d’être sensible de l’animal.
Une protection animale plus efficace est-elle possible ?

b) Les motifs zoocentristes


          La compassion envers les animaux pour eux-mêmes a émergé vers la fin du XIXème siècle. Le combat principal des protecteurs des animaux est la vivisection où les femmes sont en première ligne. Les journalistes Marie Huot et Frances Power Cobbe en sont les principaux exemples. Les moyens d’action des militants de la cause antivivisectionniste sont le dévoilement des activités cachées. Pour ce faire, certains militants et militantes s’inscrivent en faculté de médecine pour y tenir un carnet des cruautés faites aux animaux. La zoophilie (comprendre amour pour les bêtes en dehors de toute signification clinique et péjorative) se présente comme la forme la plus aboutie de l’humanisme. Ces motifs de protection animale peuvent se résumer en cette citation de Lamartine « on n’a pas deux cœurs, l’un pour l’homme, l’autre pour l’animal. On a du cœur ou on en a pas ». Emile Zola et Victor Hugo font partie des penseurs les plus influents de cette protection animale. Le poème d’Hugo Le Crapaud sert à faire passer l’idée partagée les militants de la protection animale que maltraiter un animal ce n’est pas seulement s’abaisser à la brutalité, c’est aussi nuire à une conscience. Ainsi, même la SPA instrumentalisera le registre de la sensibilité pour éduquer les hommes à plus de civilité entre eux. De la fin du XIXème au long du XXème siècle, le registre de la sensibilité n’en sera que croissant. La compassion pour les animaux étant indissociable de l’abolition partielle des hiérarchies entre espèces par les théories de l’évolution constitue la genèse de la mouvance antispéciste. Henry Salt était un des précurseurs à cette mouvance qui avait publié en 1892 Les droits de l’animal considérés dans leur rapport avec le progrès social. Bien plus tard, en 1975, Peter Singer publie La libération animale considérée aujourd’hui comme un œuvre majeure de l’antispécisme. Cependant, Singer est un philosophe utilitariste qui pense qu’on devrait donner une considération morale aux animaux sur des critères communs avec l’humain, il s’agit de l’intérêt à ne pas souffrir. L’aboutissement de l’antispécisme arrive en 1983 avec Les droits des animaux écrit par Tom Regan qui lui, considère l’animal comme un sujet de sa propre vie et insiste sur l’intérêt d’un être à vivre sa vie. Il s’oppose ainsi à l’utilitarisme de Singer car il considère que les « sujets-d’une-vie » possèdent des droits et que ceux-ci doivent-être respectés. En revanche, aucun d’entre eux ne voit un égalitarisme au sein des espèces animales dans leur droit à la vie. Ils ne remettent pas en cause le fait qu’un humain normal en bonne santé perd plus en mourant qu’un animal d’état comparable en matière de possibilité d’expériences de vie. Le registre émotionnel est un des motifs majeurs de notre époque de la protection des animaux auprès de la population. Il s’avère être le plus à même d’éduquer les masses dans plus de compassion envers son prochain. Cependant, le zoocentrisme a fait l’objet de railleries de la part de la communauté scientifique. La sensiblerie des antivivisectionnistes a été raillée par les médecins, les accusant de sensiblerie et de préférer les animaux aux humains. Ces moqueries allaient jusqu’à considérer la défense des animaux comme une pathologie mentale. C’est à cette époque que le mot « zoophilie » prend son sens péjoratif. La journaliste féministe Flora Tristan considérait que la défense des animaux était une forme d’oppression envers les hommes les plus faibles. Elle a dénoncé l’oppression des lois de protection sur les servants prolétaires auxquels les animaux étaient confiés et qui ne bénéficiaient pas d’autant d’attention. Le mépris de la sensiblerie est toujours observable de nos jours lorsqu’elle met une entrave à l’activité humaine. Les défenseurs des animaux sont l’objet de dérision, voire de stigmatisation et leur cause est minimisée.

Le Crapaud - Victor Hugo

« (…)
Un homme qui passait vit la hideuse bête,
Et, frémissant, lui mit son talon sur la tête ;
C'était un prêtre ayant un livre qu'il lisait ;
Puis une femme, avec une fleur au corset,
Vint et lui creva l'œil du bout de son ombrelle ;
Et le prêtre était vieux, et la femme était belle.
Vinrent quatre écoliers, sereins comme le ciel.
– J'étais enfant, j'étais petit, j'étais cruel ; –
Tout homme sur la terre, où l'âme erre asservie,
Peut commencer ainsi le récit de sa vie.
On a le jeu, l'ivresse et l'aube dans les yeux,
On a sa mère, on est des écoliers joyeux,
De petits hommes gais, respirant l'atmosphère
À pleins poumons, aimés, libres, contents ; que faire
Sinon de torturer quelque être malheureux ?
(…)

c) Les résultats obtenus


         Les législations sur la protection animale ont contribué à adoucir les mœurs au XIXème siècle dans une société qui se pacifiait. Le militantisme des deux siècles passés a abouti a plus de législation sur la question animale. Elle a abouti à plus de règlementations et de normes tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Le statut juridique de l’animal est passé de « bien meuble » dans l’article 528, chapitre des biens du Code civil à « être sensible » par la loi de juillet 1976 du Code pénal qui interdit les actes de cruauté envers les animaux domestiques. En 2014, l’animal est passé du statut de « bien meuble » à celui d’« être vivant doué de sensibilité ». Il existe désormais une meilleure prise en compte morale de leur capacité à souffrir. Le bien être animal a été rationalisé au moyen de protocoles dans la façon de traiter et d’abattre les bêtes. On préconise « la fin des souffrances inutiles ». L’application des lois et des protocoles ne se fait pas toujours en raison des cadences imposées et de l’inapplicabilité de certaines lois comme la loi européenne interdisant le transport de veaux pendant plus de huit heures, le sont dans les faits sur une durée de plus de quarante heures. C’est cette réalité qui se retrouve diffusée par des associations comme L214. Le scandale de l’abattoir du Vigan avait entraîné sa fermeture pour inspection. En 2010, une série d’inspections avait mis en lumière les manquements aux protocoles pour lesquels des réformes avaient été lancées permettant de remettre les abattoirs français sur les rails. Même respectés, ces lois et ces protocoles ne suffisent pas à assurer un confort optimal car elles ne couvrent pas toutes les pratiques allant à l’encontre du bien-être animal. L’industrie agroalimentaire exige une exploitation toujours plus poussée de l’animal pour ses propres profits, mais aussi pour répondre à une demande croissante (enfermement des poules et des truies dans des espaces à peine plus grands qu’eux, etc). Répondre à la détresse animale ainsi créée exigerait encore plus de rationalisation de l’exploitation animale avec toujours plus de lois et toujours plus de règles. Le bien-être animal est pris en compte tant qu’il n’entrave pas l’utilité que l’homme moderne peut tirer de son exploitation. La Commission européenne s’est prononcée le 3 juin 2015 en faveur de la poursuite de l’expérimentation animale. À l’heure actuelle, aucune libération animale dans le sens de Regan n’est envisageable. La société contemporaine n’a jamais abandonné la traite animale pour le bien des animaux. Au mieux, la société établit une rationalisation de l’exploitation animale en vue de minimiser leurs souffrances. Peter Singer lui-même déclare dans la deuxième édition de son livre La libération animale que depuis la première parution de son livre, bien peu de choses ont changé. À cette rationalisation, il faut ajouter qu’il existe une forme de « spécisme » qui applique des lois à certains animaux et pas d’autres en fonction de notre rapport à chaque espèce. Alors que la mise à mort volontaire d’un animal de compagnie est passible d’une amende de 1500€, la mise à mort d’un animal d’exploitation est convenue mais doit mettre fin aux souffrances inutiles et depuis 2010, un décret a pour objet le  « délit d’entrave à la chasse ». Cette compassion et cette indignation à géométrie variable démontre un anthropocentrisme déguisé.  Dans le cas contraire, toute exploitation  de l’animal qui lui serait nuisible aurait été interdite. La compassion étant par définition « Sentiment de pitié qui nous rend sensible aux malheurs d'autrui » (Larousse) ce qui est protégé chez l’animal est ce qu’il y a d’humain en lui. Jamais l’animal n’a donc été protégé pour lui-même.

1807 Code civil : « bien meuble »
1975 : Code pénal : « être sensible »
2014 : Code civil : « être doué de sensibilité »
Animaux de compagnie : «blesser un animal ou entraîner sa mort volontairement est puni de 1 500 € d'amende (3 000 € en cas de récidive).
Abattage : « Les locaux, les installations et les équipements des abattoirs doivent être conçus, construits, entretenus et utilisés de manière à épargner aux animaux toute excitation, douleur ou souffrance évitables. » (2003)
Chasse : « Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait, par des actes d'obstruction concertés, d'empêcher le déroulement d'un ou plusieurs actes de chasse »
Article R214-71
« La saignée doit commencer le plus tôt possible après l'étourdissement et en tout état de cause avant que l'animal ne reprenne conscience. »
Article R214-69
« I. - L'immobilisation des animaux est obligatoire préalablement à leur étourdissement et à leur mise à mort.
La suspension des animaux est interdite avant leur étourdissement ou leur mise à mort.
II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas :
1° Aux volailles et aux lagomorphes dans la mesure où il est procédé à leur étourdissement après leur suspension ;
2° Aux animaux dangereux mis à mort d'urgence dans l'enceinte d'un établissement d'abattage. »
Article R215-8
« I.-Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe :
3° Le fait de procéder ou de faire procéder à une saignée dans des conditions contraires à l'article R. 214-71 ;
4° Le fait de ne pas immobiliser les animaux préalablement à leur étourdissement et, dans le cas de l'abattage rituel, préalablement et pendant la saignée ;
5° Le fait de suspendre un animal conscient, contrairement aux dispositions de l'article R. 214-69 ;
6° Le fait, en dehors des cas prévus à l'article R. 214-70, de ne pas étourdir les animaux avant leur abattage ou leur mise à mort ; »
 
3 – L’Exploitation moderne de l’animal, ses conséquences sur le long terme et ses enjeux

a) La situation actuelle de l’exploitation animale

          Aujourd’hui, l’élevage traditionnel est marginal dans notre région du monde. Il n’est l’effet que de quelques petits exploitants qui les utilisent pour leur consommation personnelle. Dès qu’il s’agit de commercialiser leur production, l’abattage devient industriel. Il est le même qu’il s’agisse des abattoirs de grandes entreprises ou d’abattoirs labellisés. L’élevage et l’abattage industriels sont le modèle suivi par les sociétés développées. Avec l’émergence de nombreux pays en voie de développement, c’est ce modèle qui s’exporte et qui s’impose. Le tiers-monde est entré dans sa phase d’industrialisation : la Chine, l’Inde, le Brésil suivis par divers pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud qui sont en train de se régler sur le modèle alimentaire occidental. Là où le niveau de vie augmente, la consommation de viande explose, augmentant de façon exponentielle le nombre de consommateurs réguliers d’aliments carnés. Aujourd’hui, entre 50 et 60 milliards d’animaux sont tués chaque année pour être mangés. La FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) estime qu’en 2050, la consommation de viande aura doublé. La population mondiale connaît une explosion démographique qui contribue à augmenter le nombre de consommateurs de viande. Avec cette augmentation exponentielle de production de viande, il faudra, pour répondre à une telle demande, élever et tuer de plus en plus d’animaux à des cadences toujours plus élevées. Cette industrialisation devra se faire de façon institutionnalisée et banalisée. Nous l’avons vu, la rationalisation de l’exploitation animale permet seulement d’éviter des souffrances qui ne vont pas à l’encontre des besoins industriels. Ce modèle, une fois exporté dans des pays émergents, qui n’ont pas derrière eux plusieurs siècles de rationalisation animale devra à son tour, s’il veut éviter la souffrance animale passer d’un élevage et un abattage traditionnel à une production réglementée en l’espace de quelques années. Autrement dit, ils devront commencer à zéro d’autant plus que certains de ces pays comme la Chine n’ont pas du tout de tradition d’éthique animale. Pour répondre à la demande croissante en viande, il est nécessaire de nourrir les animaux en céréales. Aujourd’hui, les trois quart des terres agricoles servent à nourrir les animaux destinés à l’abattage et la moitié de la production agricole y est consacrée. Consacrer tant de produits issus de l’agriculture pour la donner aux animaux prive d’autres humains de l’accès à la nourriture et fait considérablement augmenter les prix. L’augmentation de prix a entrainé de nombreuses émeutes dans différents pays du monde. En janvier 2007, des Mexicains sont descendus dans la rue pour protester contre la flambée des prix. En effet, l’aliment de base des Mexicains, la tortilla a vu son prix augmenter de 40%. Tous ces besoins agricoles nécessitent de l’espace. Cet espace est obtenu par le défrichement. On estime que 70% de la déforestation mondiale est due à l’élevage. L’élevage nécessite de grandes quantités d’eau et représente à lui seul 70% de l’épuisement mondial d’eau potable. Produire autant nécessite du carburant. L’élevage pollue. L’élevage nécessite du carburant et notamment du pétrole, lequel n’est pas le seul qui une fois dans l’atmosphère fait augmenter l’effet de serre, les gaz émis par les immenses troupeaux de vaches ne sont pas à négliger. Répondre à une demande en viande exponentielle nécessite une exploitation des ressources exponentielles. Or, le renouvellement des ressources naturelles, lui n’augmente pas de façon exponentielle…
 
b) Les conséquences sur le long terme

          Cette exploitation toujours plus importante des ressources naturelles ne sera pas, bien évidemment sans conséquences sur l’environnement ni sans répercussions sur l’homme lui-même. En premier lieu, la production de viande entraîne directement trois grands types de problèmes : la pollution, la déforestation et l’épuisement des ressources.
          La pollution, ce sont les nitrates, les pesticides et les nombreux produits chimiques employés par l’industrie agricole. Ce sont aussi les gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère. Le CO2 rejeté par les véhicules et les machines agricoles et le méthane, rejeté par les vaches élevées en grand nombre. Ce dernier gaz a un potentiel de réchauffement global 25 fois supérieur au dioxyde de carbone. Le niveau atmosphérique du méthane est passé entre 2007 et 2008 de 25,4 millions de tonnes à 5,6 milliards de tonnes. Cette présence massive de gaz à effet de serre provoque un réchauffement du climat qui entraîne un dérèglement du cycle naturel des saisons dans différentes régions du monde. C’est ce réchauffement qui est responsable de la fonte des glaces et du permafrost, mais aussi de certaines catastrophes naturelles. La fonte du permafrost entraîne à son tour une nouvelle libération de gaz à effet de serre qui accélère le réchauffement climatique et la fonte des glaciers. La fonte des glaciers a pour conséquence de priver certaines espèces de leur habitat et de leur terrain de chasse naturels, les ours polaires en première ligne. Elle a aussi pour conséquence de faire monter le niveau des eaux et à modifier profondément l’environnement côtier. Cela va entraîner des catastrophes naturelles telles que les inondations, les vagues de chaleur et les sécheresses. Enfin, ces transformations climatiques, ainsi que la pollution auront un impact direct sur la santé humaine avec la transmission de maladies comme le paludisme et la dengue.
          Les forêts sont ce qui permet de renouveler l’air qu’on respire. Elles seules sont capables de recycler le gaz carbonique émis dans l’atmosphère et de le transformer en oxygène. La forêt amazonienne est comme on l’entend si souvent, le poumon de la planète. Le WWF déclare que « près de la moitié de la forêt humide pourrait se transformer en paysage désertique d’ici 25 ans ». Non seulement la déforestation empêche l’air de se recycler naturellement, mais c’est tout un écosystème qui est détruit. La forêt protège de l’érosion du sol et une fois la forêt disparue, le terrain n’est plus propice à la réapparition d’une zone boisée. La forêt abrite tout un écosystème de faune et de flore qui se retrouve menacée de disparition. La disparition de certaines espèces entraîne la disparition d’autres espèces qui se retrouvent privées de leur nourriture ou qui prolifèrent faute de prédateur faisant à son tour disparaître des espèces. Au Brésil, le nombre d’espèces menacées a triplé en 15 ans. La liste des espèces qui y sont menacées n’en compte pas moins de 627. La déforestation entraîne la disparition de tout un écosystème. C’est un cercle vicieux.
          L’épuisement des ressources entraînera des famines sur le long terme dues à plusieurs facteurs tels que la sécheresse, mais aussi au partage inéquitable des ressources. En effet, les pays du Nord peuvent produire en bien plus grande quantité que les pays du Sud : un hectare de céréales produit dix tonnes de grains en France contre 650 kg au Mali. Une fois sur le marché, cette grande quantité de produits agricoles fait baisser les prix et fait subir une concurrence déloyale aux paysans locaux qui ne peuvent plus vendre et n’ont pas les moyens financiers et juridiques de se défendre contre les multinationales qui rachètent leurs terres pour produire des légumes qu’ils revendront plus cher aux Européens. L’épuisement des ressources entraînera une hausse des prix des denrées alimentaires, c’est-à-dire crises économiques, disettes et famines. Face à ces prix qui augmenteront constamment, les plus pauvres seront les plus vulnérables. Pour les couches moyennes de la population, les familles verront leur budget alimentaire augmenter au détriment d’autres choses comme les loisirs. On peut imaginer que les lobbies de l’alimentation verront leur pouvoir grandir considérablement et seront capables d’exercer une pression plus forte sur les Etats.
          Exporter notre modèle dans le reste du monde entraînerait un creusement des écarts des richesses entre les pays du Nord et les pays du Sud, entraînerait une traite animale toujours plus importante et une disparition de certaines espèces sauvages. Cela entraînerait des réactions en chaîne qui auraient des répercussions sur l’humanité. De ces réactions, nous pouvons en identifier dix principales : l’épuisement des ressources, la déforestation, la pollution, le réchauffement climatique, la disparition des espèces, les catastrophes naturelles, les maladies, les déplacements de population, les crises économiques et les famines.
Une protection animale plus efficace est-elle possible ?
Une protection animale plus efficace est-elle possible ?
c) Des enjeux mondiaux
 
          Il est maintenant clair que nous ne pouvons pas soumettre les animaux à nos désirs lorsque deux tiers de la population mondiale est prête à vivre comme un occidental. Cela entraînera, nous l’avons vu des désordres écologies et géopolitiques. Cela entraînerait également une traite animale sans précédent pas toujours régulée et surveillée avec l’exportation de ces produits sur les marchés internationaux. Il est urgent de trouver des alternatives sérieuses à ce mode de production.  Les hommes sont-ils prêts à devenir végétariens ? Pas sûr. Si la production et la distribution de viande est aussi forte, c’est avant tout pour répondre à une demande. Nous vivons dans une société du désir. Pour preuve que cette production répond à une demande, le déclin de la boucherie chevaline se fait parce que la population est de moins en moins demandeuse en raison de son attachement affectif pour le cheval. Si le lobby de la viande est si puissant c’est qu’il bénéficie d’un large plébiscite de sa marchandise et si celui des insectes est inexistant, c’est parce qu’il ne correspond à aucune demande de la population. Ces désirs posent problème. Comment nourrir une population croissante quand une minorité d’entre elle accapare les ressources pour répondre à ses propres désirs. Nourrir la population mondiale. Voilà l’enjeu de demain. Il serait possible à condition de consacrer les céréales produites que mangent actuellement les animaux à l’alimentation humaine. Il faudrait, pour mettre cela en application arriver à canaliser les désirs de la population occidentale. La technologie pourra-t-elle nous aider à nourrir tout le monde ? Des travaux de biologistes sont déjà à l’étude qui permettrait de produire de la viande en plus grande quantité sans souffrance animale. L’association PETA (Political for Ethical Treatment of Animals) propose un million de dollar à quiconque serait capable de produire et commercialiser cette viande. D’autre part, un prototype qui permettrait d’élever des poulets sans cortex cérébral évitant ainsi toute souffrance est lui aussi à l’étude. Cette technologie aurait le mérite de résoudre une contradiction dont nous avons parlé dans notre partie précédente. La consommation de viande resterait possible, mais la souffrance animale serait réduite à néant. Si cette technologie arrivait à être appliquée serait-elle suffisante pour régler les problèmes liés à l’écologie et à la faim dans le monde ? Entraînerait-elle à son tour une cascade de nouveaux problèmes ? Nul ne peut répondre aujourd’hui. Pourrait-on être amené à substituer la viande au profit d’autres apports en protéines ? Les insectes, consommés depuis des millénaires sur d’autres continents sont une source non négligeable de protéines. Remplaceront-nous les élevages bovins par les élevages de criquets ? L’humanité deviendra-t-elle entomophage ? Cette solution pourrait en tout cas considérablement réduire notre empreinte écologique tout en nous apportant les protéines dont nous avons besoin. Le végétarisme pourrait-il finir par s’imposer de lui-même à une importante part de l’humanité, suffisamment importante pour qu’elle ne soit plus l’aliment de base de l’humain ? Ainsi, la viande laisserait place aux céréales et aux féculents et permettrait de mieux répartir les ressources de la planète. Les décennies qui viennent répondront à ces questions. En attendant, le changement de nos habitudes se fait de plus en plus urgent.
 
Une protection animale plus efficace est-elle possible ?

Conclusion


          Dans la société occidentale, l’animal a toujours été un objet d’exploitation, une matière première dont l’homme pouvait disposer selon ses besoins. Le motif qui historiquement a pu amener la prise en compte de la souffrance animale a été anthropocentrique. Cet anthropocentrisme s’est appuyé tout au long de l’histoire de la cause animale sur l’affection portée à l’animal d’où découle l’empathie. Faire souffrir un animal est mal car placé dans une situation similaire, nous souffririons autant que lui. L’animal ne peut être placé au-dessus de la liberté qu’a l’homme d’en disposer à sa guise (à moins de remettre en cause l’anthropocentrisme en profondeur et tous les aspects qui en découlent). En ajoutant à cela la souffrance humaine que l’exploitation animale engendre, les motifs anthropocentriques s’avèrent les plus pertinents dans le cadre actuel pour répondre à la souffrance animale. L’hypothèse de la libération altruiste de l’animal n’est à ce jour pas envisageable. Elle ne l’est qu’à condition que l’homme en retire un bienfait. En revanche, le système pourra s’appuyer sur les mouvements abolitionnistes pour promouvoir ses nouvelles positions de la même manière que depuis la fin du XIXème siècle il s’appuie sur la compassion populaire pour promouvoir une plus grande rationalisation de l’exploitation animale. Les mouvements abolitionnistes de la cause animale en eux-mêmes sont voués à rester marginaux et à être instrumentalisés par le système pour en venir à ses fins. Quelle sera la place de l’animal au sein de la société occidentale, seul l’avenir pourra en décider. Cependant, des solutions telles que la fabrication de viande artificialisée ouvrent une nouvelle porte en direction du transhumanisme. Les autres solutions actuellement envisageables comme la consommation d’insectes ou le végétarisme amèneront des transformations profondes de la civilisation de la même façon que la domestication et l’élevage ont été une avancée civilisationnelle à la préhistoire, ainsi que l’entrée dans l’aire industrielle de la nourriture. Redéfinir le rapport de l’homme à l’animal et à sa nourriture c’est repenser notre société, mais c’est aussi se demander quelle humanité nous serons demain.
Une protection animale plus efficace est-elle possible ?


Sources :
Ch. Traïni, La cause animale. Essai de sociologie historique 1820-1980, Paris, Presses universitaires de France, 2011
P. Singer, La libération animale, Paris, Payot, 2012 (1re éd., 1975)
R. Descartes « Cinquième partie » Discours de la méthode, Livre de Poche, 1re éd. 1637
C. Larrère, dir. J Birnbaum « Des animaux machines aux machines animales », Qui sont les animaux ?, Saint-ArmandGallimard, 2010
A. Caron « Parce que la viande détruit la planète », No Steak, Paris, J’ai Lu, 2013
F. Burgat, « La mouvance animalière. Des « petites dames de la protection animale ». À la constitution d’un mouvement qui dérange », Pouvoirs 4/2009 (n° 131) , p. 73-84
URL : www.cairn.info/revue-pouvoirs-2009-4-page-73.htm.
DOI : 10.3917/pouv.131.0073.
Journal officiel du 6 juin 2010
P. Le Hire, « 3 000 km, sans boire ni sans manger. Le supplice de jeunes veaux destinés à l'abattoir », Le Monde, 19 aout 2016
CNRS Le journal 3 000 km, sans boire ni sans manger. Le supplice de jeunes veaux destinés à l'abattoir – Le Monde, 19 aout 2016
M. Bane, « Pourquoi la recherche animale reste indispensable » CNRS Le Journal, 2015
« Quelles sont les sanctions en cas de maltraitance sur un animal ? », Service-publique .fr, 2015
« Methane : gaz à effet de serre », Vedura.fr
« Conséquences du réchauffement climatique », Vedura.fr
« Brésil : les espèces en voie de disparition ont triplé en 15 ans », Lapresse.ca, AFP, 2008
« Changement climatique et santé humaine », globalchange                                                           «Il propose d'utiliser des poulets sans cervelle dans l'élevage de masse», CitizenPost, 2014

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17 août 2016 3 17 /08 /août /2016 12:01

La comédie musicale Notre-Dame de Paris est sortie en 1998, elle est basée sur le roman de Victor Hugo. Belle en était la chanson-phare écrite par Luc Plamondon et composée par Richard Cocciante. Cette chanson a eu un immense succès à sa sortie et elle est restée en tête des ventes pendant plusieurs mois en France et en Belgique. Elle a été traduite dans plusieurs langues et la comédie musicale a été exportée dans plusieurs pays d'Europe.

 

 

( Quasimodo )

  1. Belle
  2. C'est un mot qu'on dirait inventé pour elle
  3. Quand elle danse et qu'elle met son corps à jour, tel
  4. Un oiseau qui étend ses ailes pour s'envoler
  5. Alors je sens l'enfer s'ouvrir sous mes pieds
  6. J'ai posé mes yeux sous sa robe de gitane
  7. A quoi me sert encore de prier Notre-Dame
  8. Quel
  9. Est celui qui lui jettera la première pierre
  10. Celui-là ne mérite pas d'être sur terre
  11. O Lucifer !
  12. Oh ! Laisse-moi rien qu'une fois
  13. Glisser mes doigts dans les cheveux d'Esméralda
  14. ( Frollo )
  15. Belle
  16. Est-ce le diable qui s'est incarné en elle
  17. Pour détourner mes yeux du Dieu éternel
  18. Qui a mis dans mon être ce désir charnel
  19. Pour m'empêcher de regarder vers le Ciel
  20. Elle porte en elle le péché originel
  21. La désirer fait-il de moi un criminel
  22. Celle
  23. Qu'on prenait pour une fille de joie une fille de rien
  24. Semble soudain porter la croix du genre humain
  25. O Notre-Dame !
  26. Oh ! laisse-moi rien qu'une fois
  27. Pousser la porte du jardin d'Esméralda
  28. ( Phoebus )
  29. Belle
  30. Malgré ses grands yeux noirs qui vous ensorcellent
  31. La demoiselle serait-elle encore pucelle ?
  32. Quand ses mouvements me font voir monts et merveilles
  33. Sous son jupon aux couleurs de l'arc-en-ciel
  34. Ma dulcinée laissez-moi vous être infidèle
  35. Avant de vous avoir mené jusqu'à l'autel
  36. Quel
  37. Est l'homme qui détournerait son regard d'elle
  38. Sous peine d'être changé en statue de sel
  39. O Fleur-de-Lys,
  40. Je ne suis pas homme de foi
  41. J'irai cueillir la fleur d'amour d'Esméralda
  42. ( Quasimodo, Frollo et Phoebus )
  43. J'ai posé mes yeux sous sa robe de gitane
  44. A quoi me sert encore de prier Notre-Dame
  45. Quel
  46. Est celui qui lui jettera la première pierre
  47. Celui-là ne mérite pas d'être sur terre
  48. O Lucifer !
  49. Oh ! laisse-moi rien qu'une fois
  50. Glisser mes doigts dans les cheveux d'Esméralda
  51. Esméralda

     Lors de cette scène, trois personnages chantent leur amour pour Esmeralda : Quasimodo, Frollo et Phoebus, interprétés respectivement par Garou, Daniel Lavoie et Patrick Fiori. Chacun des personnages correpond à une des ordres de la société médiévale : le tiers-état pour Quasimodo, le clergé pour Frollo et la noblesse pour Phoebus.

1. Les trois personnages

     Quasimodo introduit la chanson, c'est lui qui donne le ton. Esmeralda est pour lui la personne qui incarne le mieux la beauté (l.1-2). Cette beauté s'exprime à travers les mouvements de danse d'Esmeralda qui soulèvent sa robe (l.3). Ceci sera confirmé par les autres personnages, notamment Phoebus : "quand ses mouvements me font voir monts et merveilles" (l.30). C'est là que Quasimodo a "posé (ses) yeux sous sa robe de gitane" (l.6). Il exprime son désir pour Esmeralda, tout en sachant qu'il est en train de pécher "Alors je sens l'enfer s'ouvrir sous mes pieds" (l.5). Il est si engagé dans son désir que loin de culpabiliser, il renonce à la repentance en disant "A quoi me sert encore de prier Notre-Dame" (l.7). Par ces deux phrases, il scelle son destin. Le "encore" exprime l'inefficacité et l'inutilité de la prière à ce stade de désir. Cette dernière phrase, assez particulière incarne à elle seule l'antichristianisme de la chanson. En effet, le christianisme accorde une miséricorde infinie à tout pécheur qui se repent. Ici, il déplore l'inefficacité d'une telle miséricorde à son stade de péché. Celle-ci sera répétée en choeur lors du dernier couplet. Il invoque Lucifer pour lui accorder un seul geste, celui de toucher les cheveux d'Esmeralda (l.11-13).

     Frollo exprime le même resssenti à travers ses mots d'homme d'église. Il soupçonne Esmeralda d'être l'incarnation du Diable qui voudrait le faire se détourner de Dieu (l.16-19). La référence à la notion de péché originel exprimée l.20 en référence à la pomme d'Eve dans le jardin d'Eden désigne le pouvoir de tentation que la femme a sur l'homme lui permettant de le faire se détourner de Dieu pour le faire céder au diable. Dans cette scène biblique, le diable s'incarne dans un serpent pour pousser Adam et Eve à désobéir à Dieu en mangeant le fruit défendu. Il implore quant à lui Notre-Dame (la Vierge Marie) (l.25) pour le laisser "Pousser la porte du jardin d'Esméralda" (l.27). Cette expression vague désigne le désir d'accéder à ce qu'Esmeralda peut offrir de sa féminité.

     Phoebus confirme ce que Quasimodo exprimait dans le premier couplet. C'est dans la danse que réside le pouvoir de séduction d'Esmeralda (l.32-33). Il ajoute le pouvoir d'ensorcellement de son regard (l.30). Il demande à sa fiancée nommée Fleur-de-Lys de lui accorder l'autorisation de la tromper avant leur mariage (l.34-35). Lui, n'étant pas "homme de foi" (l.40), peut facilement céder à la tentation, il n'est pas retenu par des obligations vertueuses. Il ira donc "cueillir la fleur d'amour d'Esmeralda" (l.41), expression là aussi assez vague.

     Dans le dernier couplet, les trois personnages reprennent en choeur le couplet de Quasimodo exprimant ainsi l'abolition des castes et l'égalité de tous face au désir et au pouvoir d'Esmeralda sur les hommes.

     De ce texte, le thème qui ressort le plus est celui du désir. Le texte parle non pas d'un acte sexuel, mais du désir en lui-même. Un désir exprimer par des expressions vagues comme "glisser mes doigts dans ses cheveux" (l. 13), "pousser la porte du jardin d'Esmeralda" (l. 27) et cueillir la fleur d'amour d'Esmeralda" (l. 42).

2. Les références bibliques

     Le texte est parsemé de références bibliques, la première étant à la ligne 9 "(Quel) Est celui qui lui jettera la première pierre" est une référence à une parole de Jésus qui dit "que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre" en parlant d'une femme prise en flagrant délit d'adultère lisible à Jean 8:7. Dans ce passage de la chanson, juger Esmeralda est selon Quasimodo, indigne de vivre.

     Si, à la ligne 24, elle semble "porter la croix du genre humain", c'est que lors de la scène précédente, non visible dans la vidéo, elle donne de l'eau à Quasimodo qui en réclame. Elle est ainsi la seule à faire preuve de compassion envers cet être repoussant que tout le monde martyrisait jusqu'alors. Alors qu'on la prenait pour une prostituée elle semble soudain être le Christ. Les esprits les plus érudits pourraient y voir une référence à la femme samaritaine lisible dans Jean, chap. 4. Pendant ce passage de la chanson, elle est penchée au-dessus d'un puits, ce qui laisse confirmer cette hypothèse.

     La ligne 27 "Pousser la porte du jardin d'Esméralda" pourrait faire l'objet d'une autre interprétation où elle ferait alors référence au chapitre 4 du cantique des cantiques "C'est un jardin fermé que ma sœur fiancée, une source fermée, une fontaine scellée."

     Ligne 35 à 37 quand Phoebus dit "Quel/Est l'homme qui détournerait son regard d'elle/Sous peine d'être changé en statue de sel" c'est une référence à la fuite d'Abraham et de Lot et leurs femmes de Sodome et Gomorre à qui Dieu interdit de se retourner pour regarder en arrière. Dans ce passage à Ge 19:26, la femme de Lot désobéit et se transforme en statue de sel.

     On a tout au long de ces références des inversions par rapport au récit biblique et aux références catholiques. C'est le fait de jeter la pierre à Esmeralda qui rendrait celui qui exécute ce geste indigne de la vie. Quasimodo implore Lucifer au lieu de demander protection auprès de Dieu. Dans le passage biblique, Jésus enjoint à la femme de ne plus pécher. Dans ce couplet, c'est parce qu'Esmeralda est innocente. Innocente parce que légitime. Celle qu'on prenait pour une fille de joie devient le Christ ou plutôt l'antéchrist sur lequel reposent les péchés des hommes non pas pour être absous mais pour réconcilier les hommes et leurs désirs et le jardin fermé dont la porte doit être poussé. Frollo demande l'autorisation de pénétrer ce jardin au lieu de demander la protection de Notre-Dame, de lui demander de la délivrer de la tentation. C'est le fait de détourner son regard d'Esmeralda qui fait encourir la peine d'être changé en statue de sel. On assiste à une inversion du bien et du mal. C'est ici une transgression vis-à-vis de la religion catholique qui est exprimé à travers ce renversement. En demandant à sa dulcinée l'autorisation de la tromper, Phoebus tente se libérer de son devoir de chasteté, de normaliser les rapports sexuels en dehors du mariage. C'est désormais détourner son regard d'elle qui est passible d'être changé en statue de sel car c'est elle qu'il faut regarder, c'est elle qu'il faut suivre.

Conclusion

     À travers ces trois personnages tous représentants d'une partie de la société, c'est toute une société qui se détourne de la religion pour sucomber au désir de la chair. Le contexte historique est également important : en 1482, l'année où se déroule l'histoire, à l'aube de la Renaissance, c'est toute une société qui se délie du christianisme pour entrer dans l'époque moderne qui débouchera sur le libertarisme sexuel, le féminisme et le cosmopolitisme incarnés dans cette chanson. La phrase "glisser mes doigts dans les cheveux d'Esmeralda" joue ainsi le rôle d'une introduction, une entrée censée déboucher sur quelque chose d'autre, plus explicite.

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9 mai 2016 1 09 /05 /mai /2016 17:52

Agro = champ ; glyphe = gravure​

Agroglyphe est le nom qu'on donne aux formes géométriques tracées furtivement la nuit dans les champs. Ils sont l'oeuvre soit de forces mystiques, soit de boules d'énergie cosmique qui arrivent pendant certaines périodes de l'année et disparaissent en quelques secondes, soit d'êtres intelligents invisibles qui cherchent à entrer en communication avec nous, soit l'oeuvre d'artistes amateurs.

Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
Agroglyphe
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1 avril 2016 5 01 /04 /avril /2016 15:50

     Cet article fait suite au scandale de l'abattoir de Vigan, certifié bio et labélisé. Outre l'horreur de ces images, il existe une réalité qu'il faut toutefois expliquer afin de remettre cet évènement dans son contexte et le comprendre.

 
Abattoirs et protection animale : une impasse ?

     Manger de la viande semble aller de soi : il y en a quasiment tous les jours à la maison, elle est disponible de façon inépuisable sur les grandes surfaces, la plupart des plats que l'on trouve dans les restaurants sont constitués de viande. Or, la consommation de produits carnés ne va de soi que depuis le XVIIIème siècle avec la Révolution industrielle qui en a permis la démocratisation, entrainant une amélioration de la santé. Les populations pouvaient alors manger à leur faim. Depuis, la population a fortement augmenté, la consommation de viande également. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l'industrialisation de la France se généralise, la paysannerie disparaît au profit d'une agriculture professionnelle et rationalisée.
     C'est cette rationalisation de la production de viande qui permet à la fois de nourrir une population nombreuse et qui en même temps est la cause de toutes les souffrances animales. Dans un souci d'éthique sont toutefois mises en places des lois, des règles et des normes. Nous consommons de la viande plusieurs fois par semaine. Pour répondre à une telle demande, il faut augmenter les rendements et les cadences. Malgré toutes les normes en place, la cadence imposée empêche ces normes d'être respectées. L'animal est parfois mal étourdi, et au lieu de recommencer, il est attaché par les pattes pour être égorgé tout en étant conscient. Autrement dit, c'est nous tous, réunis et individuellement qui faisons augmenter la demande et ainsi les cadences, parce que nous tenons absolument à manger de la viande chaque jour.

Abattoirs et protection animale : une impasse ?

     Dès lors on peut se demander si cette logique n'aboutirait pas sur une impasse. Nous vivons dans une société où l'Homme est placé au-dessus de tout, où il domine la nature à laquelle il est étranger. La production de viande obéit à des raisons économiques et gastronomiques non négligeables. Des milliers d'agriculteurs en vivent, des lobbies font pression sur les pouvoirs publics pour continuer à vendre toujours plus de viande. La viande est un aliment savoureux avec un fort apport en protéines. Malgré le militantisme d'activistes, ces raisons économiques seront toujours plus fortes que la cause animale. Jamais les abattoirs ne seront fermés et jamais nous n'arriveront à accoler nos actions individuelles en devenant végétariens parce que le commun de la population n'est pas prête à un tel sacrifice. Un changement des mentalités n'est donc pas envisageable à court ou moyen terme.
     L'exploitation de l'animal au service de l'homme se heurte à la responsabilité que l'homme s'accorde vis-à-vis des animaux et aboutit à une contradiction : on ne peut pas s'indigner éternellement de la mort atroce de tant d'animaux tout en continuant à le considérer comme une matière première. En France, deux milliards d'animaux sont tués par an quel que soit le motif, alimentaire ou non. D'un autre côté on domestique des animaux pour les caresser, en prendre soin et jouer avec eux. Ne reste que deux solution : soit on se dit que la maltraitance animale est intolérable et on cesse de les mettre à mort, soit que la souffrance animale est nécessaire à nos besoins et on cesse de s'émouvoir de pauvres petits agneaux trop mignons écartelés vivant sans avoir rien demandé. Je laisse chacun à ses opinions.

Cependant, une innovation pointe le bout de son nez : une étude propose d'élever des poulets en supprimant leur cortex cérébral. Elle propose également de leur enlever les pattes pour gagner de la place. Ainsi, il serait possible de produire plus de poulets que dans un élevage concentrationnaire sans blessures ni souffrances animales tout en continuant de nourrir toute la population. Cependant, cette innovation soulève d'autres questions : celle de la manipulation du vivant et du statut des animaux : peut-on faire ce que l'on veut avec le vivant, le manipuler pour répondre à nos besoins ? Cela modifiera-t-il un statut juridique animal déjà ambigu ? Cette technique, loin d'être irréaliste, serait l'aboutissement de ce qu'est pour nous l'animal : une matière première à notre disposition. Ne restent que les conséquences de ce genre d'innovations que nous ne connaissons pas encore sur notre rapport au vivant, et qui pourrait s'extrapoler à l'humain : une nouvelle ouverture sur le transhumanisme ?

 

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25 mars 2016 5 25 /03 /mars /2016 14:35

Auteur : Tristana Pimor

Genre : éthnologie, sociologie de la déviance

 

Zonards : une famille de rue

On les voit parfois assis à l'entrée des monoprix, faisant la manche, accompagnés de leurs fidèles compagnons à quatre pattes, arborant des coupes de cheveux extravagantes. Ce sont les punks à chiens. Mais qui sont les punks à chiens ? C'est la question à laquelle l'ethnologue Tristana Pimor a tenté de répondre en étudiant un groupe de punks à chiens par observation participante.

     Ce livre retrace la thèse de cette étudiante devenue aujourd'hui enseignante-chercheuse qui se déroule sur quatre années de recherches auprès d'un groupe de ce que l'auteure appelle des "zonards" terme moins connoté selon elle. L'accent est mis sur les intéractions au sein du groupe mais également entre les sujets et les riverains et les travaileurs sociaux et les représentations qui en sont faites, ainsi que les réactions des zonards face à ces représentations. L'auteure étudie la manière d'entrer dans "la Zone", ses rites de passages et les différentes manières d'en sortir qui sont au nombre de quatre : le retour à la norme, le Travelling, l'errance institutionnelle ou la mort. C'est également tout un système de représentations qui est mis au jour à travers cette enquête de terrain. On y découvre un monde possédant sa propre culture, son système de valeurs, communautaire, organisé selon des règles et des rites. Le lecteur est plongé dans le quotidien de cette bande de zonards marquée par la violence, la prise de psychotropes et les teufs. Cet univers qu'on imaginait destructuré se révèle être organisé par des règles et des normes selon une idéologie anarcho-primitiviste contestataire, proche d'une tribu, à laquelle sont attachés des idéaux de sous-consommation et de solidarité. À cette culture alternative s'ajoutent mythes et croyances faits de musique tekno et de complotisme. Derrière son anticonformisme apparent, cette communauté se révèle être très coercitive à l'image des solidarités traditionnelles et le machisme y est également très présent. 

     Le livre se présente sous la forme d'un récit, le récit d'une rencontre avec une population méconnue, y compris des services sociaux, le rendant tout public, tout en y mélant la rigueur scientifique qu'on attend de ce type d'ouvrages. On retrouve les notions développées par l'illustre école de Chicago tout en balayant les concepts développés par la sociologie depuis ses débuts. L'ouvrage est donc une excellente entrée en matière pour celui qui souhaite s'intéresser à la sociologie, qu'il soit étudiant ou non, ou simplement intrigué par le phénomène zonard. 

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